10/05/2021 : Combien de temps pouvez-vous rester dans un wagon de métro, sans risque de Covid-19 ?


Quand les restaurants ouvriront, savez-vous que vous pourrez y rester pendant 2 heures avec 10 personnes non masquées, sans risquer d’être contaminé par le SARS-CoV-2 ? Si vous voulez y passer 4 jours, le masque pour tous sera nécessaire, en tous cas si vous souhaitez vous parler. Il est possible aussi de séjourner dans un wagon de métro avec 25 personnes pendant 14 jours… si personne ne parle.
 
Tout cela vous l’apprendrez grâce à l’appli mise au moins par une équipe de l’Institut de technologie du Massachusetts pour calculer le temps maximum conseillé de séjour dans une pièce fermée, en fonction de la taille de la pièce, du nombre de personnes, de leur activité, et surtout du port de masque et du type de ventilation, etc.

Deux mètres ne suffisent donc pas

Car, si certains le contestent encore, la transmission aéroportée du SARS-CoV-2 ne fait plus guère de doute. La présence d’ARN viral dans l’air et sur des surfaces éloignées d’un sujet source semble indiquer que les aérosols générés par la parole et la respiration, constitués en grande partie de particules inférieures à 1 μ, exposent un risque de transmission. Notons cependant que pour certains auteurs, la détection de matériel génétique viral dans l’air ne signifie pas que le virus soit vivant et infectant. Les particules composant ces aérosols sont suffisamment petites pour circuler dans une pièce fermée, plus librement que les gouttelettes plus volumineuses qui tombent rapidement. La distanciation de 1-2 m recommandée risque donc bien de ne pas suffire.

C’est dans cette optique que l’équipe de l’Institut de technologie du Massachusetts a élaboré cette application. Avouons d’entrée qu’il est difficile de donner un avis sur les calculs qui ont conduit à sa mise au point, tant la lecture de la publication est, disons, complexe… L’objectif était de fournir une indication précise du temps pendant lequel un certain nombre de personnes peuvent rester sans danger dans une pièce (ou un wagon de métro, un avion, une église, etc.), selon qu’elles portent ou non un masque, qu’elles soient au repos, qu’elles parlent ou fasse de l’exercice, selon leur classe d’âge, le type de ventilation de la pièce et le taux de renouvellement horaire, l’humidité relative. L’appli vous permet aussi de distinguer la « souche historique » du SARS-CoV-2 et le variant anglais.

Faible risque dans les classes tranquilles

Les auteurs présentent le précis d’utilisation de l’appli dans une salle de classe où se trouvent 19 élèves et leur enseignant. Les différentes modélisations possibles ont surtout l’intérêt d’illustrer l’impact particulier de la ventilation et du port du masque. Si les personnes présentes dans la classe ne portent pas de masque, la limite maximale de temps « sans risque » quand un individu infecté entre dans la pièce est de 1,2 h en cas de ventilation naturelle de la classe. Avec une ventilation mécanique, le délai passe à 7,2 h. Si tout le monde porte le masque, ces temps passent à 8h et 80 h respectivement. Continuons le calcul. Si les enfants passent 6 h par jour en classe, avec port du masque et une ventilation adéquate, le temps de séjour sans risque de transmission est supérieur au temps de « guérison » du sujet contaminé (7 à 14 jours), et les auteurs concluent que le risque de transmission dans les classes est donc faible. Ils précisent toutefois qu’ils ont calculé leur risque dans le cadre d’une classe « tranquille », avec respiration de repos. Ce qui n’est pas forcément le cas le plus courant …

 

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  16/12/2020 : Espérance de vie : les inégalités se creusent depuis 30 ans entre les villes et les campagnes


Les inégalités en termes d'espérance de vie entre les territoires ruraux et les territoires urbains se sont creusées depuis 30 ans. C'est la conclusion d'une étude menée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et le groupe Macif, en partenariat avec France Bleu, publiée mercredi 16 décembre. 

L'hyper rural vit en moyenne deux ans de moins que l'hyper urbain

L'étude, qui s'appuie sur les chiffres de l'Insee, met en lumière l'espérance de vie des hommes et des femmes selon qu'ils vivent en milieu rural ou hyper rural, urbain ou hyper urbain, ou dans une zone dite composite en termes de densité urbaine. En 2019, un homme en milieu hyper rural vit en moyenne 2,2 ans de moins qu'un hyper urbain. L'écart était de quatre mois en 1990. Un hyper urbain avait une espérance de vie de 73,2 ans il y a 30 ans quand un hyper rural ne pouvait espérer vivre que jusqu'à 72,9 ans. Trente ans plus tard, l'hyper urbain peut vivre jusqu'à 80,7 ans en moyenne contre 78,8 ans pour un hyper rural. 

De même, une femme vivant en milieu hyper rural vit en moyenne 11 mois de moins qu'une femme vivant en milieu hyper urbain. L'écart était de six mois en 1990. Une Française de 1990 vivant en milieu hyper urbain avait une espérance de vie de 81,1 ans alors qu'une Française vivant à la campagne ne pouvait espérer vivre que jusqu'à 80,9 ans. En 2019, l'hyper urbaine vit jusqu'à 85,8 ans en moyenne et une hyper rurale jusqu'à 84,9 ans. 

À noter que les inégalités sont plus importantes pour les habitants des départements et régions d'Outre-mer. L'écart d'espérance de vie est en 2019 de 2,8 ans pour les hommes et de 1,3 an pour les femmes. Il était en 2000 de 2,6 ans pour les hommes et de 1,9 an pour les femmes. 

Une inégalité d'accès aux soins

Comment expliquer ces inégalités ? Pour l'AMRF et le groupe Macif, l'étude montre que les milieux ruraux, s'ils sont "attractifs, la prévention et l’accès aux soins hospitaliers y sont dégradés". Pour eux, "l’éloignement géographique donne la preuve des inégalités territoriales en matière d’accès aux soins". Ils estiment qu'il y a "une forte corrélation avec l’absence de médecins traitants".

Là où il n’y pas de médecins libéraux qui dépistent et adressent le patient à l’hôpital, moins de patients vont à l’hôpital.

L'Association des Maires Ruraux et la Macif 

(rapport)

Selon les auteurs de l'étude, la crise sanitaire "a mis en avant l’importance de la proximité dans l’organisation du service de santé". Ils considèrent que l’État, "empêtré dans son modèle d’aménagement du territoire, centré sur le développement des métropoles, continue d’affaiblir les campagnes à grand renfort d’arguments statistiques".

L'AMRF et le groupe Macif estiment que 'l'État a baissé les bras" devant les fractures territoriales, et "que rien n’est fait pour les combattre". Face à cela, l'Association des Maires Ruraux de France et l'assureur mettent en avant leur rôle de "proximité". L'étude entend ainsi fournir aux élus ruraux "de nouveaux arguments face au dogme centralisateur et apporter au débat public de nouvelles données pour se forger une opinion éclairée sur la réalité du désastre sanitaire français".

 

source France Info

  16/12/2020 : Pr Caumes : le vaccin Pfizer/Biontech avant tout indiqué chez les plus à risque de formes graves [interview]


Paris, le mardi 15 décembre 2020 – Alors que la Grande-Bretagne entame sa deuxième semaine de vaccination contre la Covid-19 grâce au vaccin de Pfizer/Biontech et alors que les premières injections ont été administrées hier aux Etats-Unis et au Canada, en France, l’heure est à la préparation et aux interrogations. Ces dernières sont notamment liées au recul limité dont on dispose concernant le vaccin Pfizer/Biontech qui devrait pendant quelques temps être le seul autorisé en Europe. Sur ce point et alors que ses déclarations la semaine dernière ont parfois suscité de la circonspection, le Pr Eric Caumes, Chef de service de pathologie infectieuse à la Pitié-Salpêtrière (Paris), complète ses analyses à la lueur des données qui ont été publiées le 10 décembre. 
 
JIM.fr : Après la lecture de l’étude publiée dans le New-England Journal of Medecine (NEJM), quel est désormais votre sentiment concernant le vaccin Pfizer/Biontech ? Le recommanderiez-vous à toute la population (quel que soit le niveau de risque de formes graves de Covid) ?
 
Professeur Eric Caumes : La sortie de l’article du NEJM le jeudi 10 décembre était très attendue. De fait, jusqu’au mardi 8 décembre, date de sortie du rapport de la FDA, nous n’avions à notre disposition que les communiqués de presse du laboratoire pharmaceutique. Et je ne pense pas que l’on pouvait se fier à ceux-ci pour donner un avis éclairé. Ce vaccin est très efficace (95 % après la 2ème dose au 21eme jour) mais on ne sait pas pour combien de temps. Les effets indésirables n’ont rien de nouveau pour un vaccin (céphalées, fatigue, frissons, fièvre, douleurs musculaires, et articulaires) mais leur fréquence (avec environ 50 % de céphalées et de fatigue après la 2eme dose) est élevée. Les auteurs le reconnaissent dans la discussion de leurs résultats quand ils commentent le chiffre de 4 % pour les formes sévères d’asthénie. La durée de ces effets indésirables est de 24h à 48h. Environ 20 % des vaccinés ont pris un antalgique et/ou un antipyrétique après la 1ere injection et environ 40 % après la 2eme injection. Il faudra voir si ces chiffres se confirment car ils représentent un frein à la vaccination élargie d’autant que les effets indésirables sont plus fréquents chez les moins de 55 ans. Ce vaccin devrait avant tout être indiqué chez les personnes les plus à risque de contracter la maladie (personnel soignant, travailleurs clés, résidents en institutions) et des formes graves de Covid (personnes âgées, patients avec co-morbidités).
 
JIM.fr : Regrettez-vous que le vaccin produit par Sinopharm ne soit pas l’objet d’un examen par la FDA ou l’EMA ?
 
Pr Eric Caumes : J’ai eu accès aux résultats préliminaires du vaccin chinois de Sinopharm. Il a l’air très efficace et bien toléré. Mais à mon sens cela relève plus du communiqué de presse que d’un résultat scientifique. Il faut donc attendre, là encore, les études publiées, pour donner un avis éclairé. Il s’agit d’un vaccin classique avec un virus inactivé. Ce vaccin devrait à mes yeux faire l’objet d’un examen par les agences du médicament au même titre que les vaccins anglais ou américains. Il n’y aucune raison, à mon sens, de douter du savoir-faire chinois en la matière surtout quand on voit la maitrise dont ils ont fait preuve dans la gestion de l’épidémie. Mais ils n’obéissent peut-être pas aux normes de fabrication européennes ou nord-américaines, je ne sais pas. Mais je sais qu’il va être distribué par les chinois dans le monde entier et cela a déjà commencé.
 
JIM.fr : Regrettez-vous l’emballement sur les réseaux sociaux après certaines de vos déclarations de la semaine dernière, peut-être mal interprétées, concernant la vaccination Covid par le vaccin Pfizer/Biontech ?
 
Pr Eric Caumes : Je ne peux pas juger, je ne vais jamais sur les réseaux sociaux. Et j’ai déconseillé à mes enfants d’y aller depuis plusieurs années, depuis les attaques dont j’ai été l’objet avec mes prises de position sur la maladie de Lyme. Je ne sais donc pas si mes propos ont été mal interprétés ou pas. S’il y a eu emballement, je le regrette évidemment. Mais je n’ai entendu aucun collègue sérieux contredire mon propos du 8/12 au matin sur France Inter c’est à dire le fait que l’on ne pouvait pas exprimer un avis éclairé sur un produit pharmaceutique, quel qu’il soit, en se basant sur les seuls communiqués de presse du laboratoire correspondant. Notre boussole doit rester la science c’est à dire les publications scientifiques. Or le rapport de l’agence américaine du médicament est sorti l’après-midi du 8/12, et l’article du NEJM deux jours plus tard. Certains ont peut-être pris un malin plaisir à inverser le temps. Si c’est bien le cas cela ne fait que renforcer mon inappétence pour les réseaux sociaux.

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  24/10/2020 : Covid-19 : nous découvrons l?étendue de notre ignorance


Paris, le samedi 24 octobre 2020 – Le rythme des publications ne faiblit pas. Ainsi, entre le 10 septembre et aujourd’hui, plus de 14 000 articles supplémentaires ont été recensés sur la base Pub Med concernant directement ou indirectement la Covid-19 pour atteindre près de 67 000 citations. Ce chiffre symbolise une recherche médicale qui n’a jamais été aussi activement mobilisée face à un virus. L’infection a été scrutée d’une telle façon que la moindre complication atypique est l’objet d’une description minutieuse et inévitablement inquiétante. Cette célérité a permis de pouvoir disposer en quelques mois d’outils de détection fiables, tandis que le génome de SARS-CoV-2 n’a plus de secret pour nous depuis longtemps déjà.

Tout ça pour ça

Pourtant, en dépit de cette masse impressionnante d’articles scientifiques (sans parler des innombrables chiffres quotidiens concernant l’épidémie dans tous les pays du monde) et alors que l’Europe fait face à la montée d’une deuxième vague de contaminations et d’hospitalisations, un sentiment d’impuissance étreint de nombreux épidémiologistes et médecins. « C’est terrible de réaliser qu’après 30 millions de malades, nous ne savons toujours pas comment traiter les malades Covid (outre cas grave en réanimation). Anticoagulant pour qui ? Quelle dose ? Et les corticoïdes ? Qu’introduire chez les patients ambulatoires ? » s’interrogeait ainsi fin septembre le professeur de médecine d’urgence Yonathan Freund. Il poursuivait : « De même les modes de contamination ne sont pas clairs. L’aérosolisation semble plausible, mais la voie de choix de transmission du virus reste inconnue (…). On ne comprend pas non plus grand-chose sur l’immunité. Quelle efficacité de l’immunité cellulaire ? Y a-t-il une part d’immunité croisée ? Celle-ci permet-elle de diminuer la gravité de la maladie ? Quelles mesures barrières sont les plus efficaces ? Et je ne parle pas des projections épidémiologiques qui n’ont quasiment pas réussi à modéliser l’évolution. Cette pandémie rend humble la communauté scientifique. Malgré les tonnes d’études COVID publiées régulièrement dans les grands journaux, on ne sait rien (…). On ne peut s’empêcher de faire un constat d’échec. Nous ne pouvons qu’avoir des hypothèses pour ce qui n’est pas prouvé », énumérait-t-il encore.

Principe Kantien

La lecture des philosophes d’hier nous avait pourtant déjà préparés à ce constat d’impuissance. « Nous avons beaucoup appris en moins d’un an sur le virus lui-même, sur les mécanismes de l’infection et sur les prises en charge possibles. De fait, nos sociétés se sont révélées moins démunies face à cette pandémie que celles de nos ancêtres lors de pandémies passées : elles peuvent mieux comprendre et tenter d’agir de façon plus efficace. Cependant, plus nous comprenons, et plus nous découvrons l’étendue de notre ignorance. Emmanuel Kant (1724-1804) évoquait une ignorance « savante, scientifique », celle « qui voit distinctement les limites de la connaissance » et délimite ainsi « le champ de l’ignorance à partir d’où il commence à s’étendre ». Le philosophe précisait qu’« il est impossible d’avoir la représentation de son ignorance autrement que par la science ; tout comme un aveugle ne peut se représenter l’obscurité avant d’avoir recouvré la vue ». Ceci doit nous rendre modeste, et la pandémie de Covid-19 nous a confirmé que le champ de notre ignorance se précise au fur et à mesure que progresse la connaissance scientifique » remarque ainsi dans un récent éditorial l’Association française d’information scientifique.

A quoi tout cela a servi ?

Ces incertitudes concernant le champ médical et scientifique ont inévitablement des conséquences sur notre capacité à déterminer avec précision les mesures qui seront les plus efficaces, d’autant plus que nos outils demeurent encore imparfaits (trop grande sensibilité de la PCR par exemple) et que leur utilisation est grevée d’obstacles pratiques (débordement des laboratoires en particulier). Un énième sentiment d’impuissance étreint ainsi l’observateur : l’intensification du dépistage et les différentes dispositions prises depuis la mi septembre dans de nombreuses régions d’Europe tandis que le masque s’impose presque partout dans les lieux clos accueillant du public depuis plusieurs mois, ne semblent pas avoir permis de freiner significativement la circulation du virus, entraînant aujourd’hui de fortes tensions dans certains services hospitaliers.

Protéger les plus vulnérables : la règle à ne pas oublier

Ainsi, les comparaisons entre les pays, dans l’optique de pouvoir isoler la stratégie qui semble la plus efficace n’offrent pas les réponses définitives espérées. Pourtant, la mise en avant de certaines pistes suggère que l’accélération de la recherche scientifique, la quête de la stratégie de dépistage la plus intensive, la multiplication des protocoles nous ont peut-être masqués une des seules certitudes sur cette épidémie : les plus âgés sont les plus vulnérables. « La réussite relative de l’Allemagne en Europe (116 décès par million d’habitants vs 511 en France) est essentiellement due à sa capacité à protéger les personnes âgées » observe ainsi le docteur Claudine Michal-Teitelbaum. Beaucoup a été dit sur la situation allemande face à l’épidémie. Au-delà d’extrapolations sociétales hasardeuses (épinglant de prétendues différences concernant les échanges sociaux en Allemagne par rapport aux pays latins ou l’éventuelle meilleure observance des règles par la population), sa stratégie de dépistage a beaucoup été vantée. Cependant, différentes observations ont conduit à relativiser cette impression d’ordre et de puissance en épinglant les ratés (par exemple sur le suivi des personnes arrivant de zones considérées comme à risque) et plus encore ces derniers jours la flambée de cas, en dépit de messages de vigilance répétés ces dernières semaines par les autorités. Ces dernières reconnaissent d’ailleurs elles-mêmes en filigrane que ce qui aura fait la différence est leur aptitude à protéger les premières cibles de la Covid. « C'est ce qu'explique très clairement (…) le directeur du Robert Koch Institue, Lothar Wieler. Bien qu'il se vante à l'excès de l'ensemble de la politique sanitaire de l'Allemagne, on comprend vite que l'explication principale du succès de celle-ci réside dans son application à éviter les contaminations chez les personnes âgées de plus de 70 ans et vulnérables ». Lothar Wieler remarque en effet que 19 % des cas recensés en Allemagne concernent des personnes de plus de 70 ans, contre 36 % en Espagne ou 39 % en Italie. « Il n'est pas étonnant que des politiques ciblées aient un impact important sur la mortalité globale dès lors que, comme on l'a dit et répété, celle-ci est extrêmement concentrée sur les personnes les plus âgées » poursuit le Dr Michal-Teitelbaum.

Cette observation est sans doute cruciale alors que débute la deuxième vague épidémique et tandis que les derniers chiffres du bulletin épidémiologique hebdomadaire publiés par Santé publique France confirment que les plus de 65 ans paraissent toujours être les principales victimes. « En France, en raison d'un défaut de priorisation des personnes et lieux à risque, nous assistons à nouveau à une explosion des clusters dans les EHPAD qui sont les institutions de très loin les plus concernées (...), puisque 6,5 % des EHPAD présentent des clusters » relève le Dr Michal-Teitelbaum. Plus encore, on peut relever que ce sont dans les EHPAD que la criticité des clusters est la plus élevée. « Cela va aboutir immanquablement à une forte augmentation des décès qui va justifier à son tour des réactions alarmistes et de panique et un renforcement des mesures contraignantes. Je pense que ce qu'on va retenir de cette crise c'est l'incapacité des autorités à prioriser la protection des personnes vulnérables et l'insistance honteuse de certains à vouloir faire peser sur les enfants le poids de leur anxiété au détriment de leur santé et bien-être », conclut Michal-Teitelbaum. On notera d’ailleurs en creux que l’observation de la Suède paraît confirmer cette analyse concernant la nécessité de protéger les plus fragiles : les autorités de ce pays ont en effet reconnu que si leurs données de mortalité n’étaient pas satisfaisantes c’était d’abord en raison de leur mauvaise performance quant à la protection des plus âgés, bien plus certainement qu’en raison d’un défaut de mesures plus strictes de restriction des déplacements et des rassemblements. « Les décès en Suède sont dus à un défaut de protection des personnes âgées en institution, comme le gouvernement l'a reconnu, et non à une absence de mesures contraignantes en  population générale » analyse Claudine Michal-Teitelbaum (notons sur ce point qu’il n’y a aucune augmentation de la mortalité en Suède actuellement, bien qu’elle connaisse elle aussi une flambée du nombre de cas). Complétant cette analyse, le professeur Juvin (chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges Pompidou) signale pour sa part que ce qui semble faire la différence entre les pays, bien plus que les mesures adoptées, c’est la solidité et les capacités des structures hospitalières. Or, la qualité de ces dernières en Allemagne a souvent été vantée (avec cependant des réserves incitant à ne pas confondre, dans les comparatifs, lits de réanimation et lits de soins intensifs).

La constatation de notre impuissance et l’observation que l’action la plus efficace semble de se concentrer sur les plus à risque (et sur nos services hospitaliers, comme l’a fait l’Italie en rappelant des infirmières à la retraite ou en raccourcissant la durée de formation des médecins) devraient-elles nous inciter à repenser nos politiques ? C’est le sentiment de certains analystes. « Les décisions économiques, qu'elles soient individuelles ou collectives, doivent se baser sur une analyse des coûts et des risques associés à chaque politique envisagée. Faute d'une analyse précise, le risque est que le ressenti d'une minorité dicte les décisions prises pour le plus grand nombre. Les politiques publiques différencient généralement des groupes dans la population. Or, si les politiques publiques liées à la Covid ont bien différencié les acteurs économiques (entreprises et salariés en fonction des secteurs) dans leur composante « plan de relance », aucune différenciation n'a été faite entre les différentes catégories de personnes dans la composante « prévention/santé ». Cette prise en compte demeure pourtant essentielle dans la crise actuelle. Les individus sont en effet aussi inégaux devant la maladie que les acteurs économiques le sont devant la récession. Il est donc nécessaire de prendre en compte leurs différences pour l'élaboration des politiques publiques. Pour déterminer lesquelles seront optimales, il s'agira de minimiser les coûts pour la collectivité (minimiser les pertes économiques et le coût de dépenses de santé), tout en maximisant l'efficacité des mesures pour les personnes (il s'agit de trouver l'action la plus efficace pour réduire le nombre de malades) » détaille par exemple sur le site The Conversation Samuel J. Sender (Consultant indépendant, enseignant-chercheur, EDHEC Business School). Après avoir rappelé, chiffres à l'appui, combien l'épidémie est éminemment plus dangereuse pour les plus âgés, il conclut : « La mise en place d'un couvre-feu à partir de 21 heures a le mérite d'être moins brutale pour l'économie que le confinement de la première vague, elle ne cible pas le premier facteur de mortalité, la contamination des seniors. Il semble donc plus que jamais nécessaire de développer la communication destinée aux personnes âgées et aux personnes fragiles sur les dangers d'une contamination par la Covid. La circulation du virus étant active, il est sans doute plus pertinent de recommander (voire d'imposer) aux personnes fragiles d'appliquer les mêmes mesures d'hygiène et précaution dans les réunions privées que celles imposées dans les réunions et lieux publics » propose-t-il. Bien sûr, une telle analyse et une telle préconisation ne sont pas sans soulever de nombreuses réflexions, concernant le caractère éthique d’une telle stratégie potentiellement discriminante, tandis qu’il est indispensable de se rappeler que la société n’est pas cloisonnée et qu’empêcher la circulation du virus d’une manière générale est également un moyen de protéger les plus fragiles. Cette observation éclaire cependant une nouvelle fois combien dans une certaine mesure les politiques actuelles manquent peut-être leur cible principale et perdent en efficacité.

Sur ce point, comme sur (presque) tous les autres, ce que nous savons, c’est que nous ne savons (presque) rien.

 

source jim.fr

  12/09/2020 : Pour que la peur ne devienne pas l'arme de la division et de la mort


Paris, le samedi 12 septembre 2020 - Longtemps étudiants, psychologues et même philosophes se sont appesantis pour déterminer si la peur est d’abord un moteur, forçant les hommes à se dépasser, ou au contraire un obstacle qui mine nos ambitions. Intimement chacun d’entre nous s’est déjà interrogé pour déterminer comment nos peurs ont fasciné nos existences et dessiné leurs trajectoires singulières. La peur des virus et des épidémies a été présente tout au long de l’histoire de nos civilisations, conduisant nos dirigeants à composer avec elle et contre elle pour protéger les populations.
 
Mais là encore, comment la peur doit-elle armer les décisionnaires : doivent-ils la mépriser, l’apprivoiser ou se laisser guider par elle ? Pour certains, face à l’épidémie de Covid-19, les dirigeants français ont laissé la crainte prendre le pas sur toute autre considération, empêchant l’analyse pondérée et rationnelle. Ainsi, dans une tribune publiée hier dans Le Parisien, trente-cinq scientifiques, universitaires et professionnels de santé, emmenés par le professeur Jean-François Toussaint (directeur de l’IRMES) et le chercheur en sociologie Laurent Mucchielli (CNRS) lancent un appel afin d’en finir avec une politique gouvernée par la peur. « Nous appelons les autorités politiques et sanitaires françaises à cesser d'insuffler la peur à travers une communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers sans en expliquer les causes et les mécanismes » débutent-ils.
 
Ce changement de cap s’impose face notamment à la réalité épidémique : « Nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une épidémie qui a causé 30 décès le 9 septembre, contre 1438 le 14 avril. La situation n'est donc plus du tout la même qu'il y a 5 mois » insistent-ils. Mais il doit également être guidé par la fidélité à des valeurs qui ne peuvent que supplanter l’inquiétude suscitée par la contamination. « Les impératifs de protection contre la contagion ne doivent pas conduire à trahir l'éthique médicale et les principes humanistes fondamentaux. Isoler les malades et protéger les personnes à risque ne veut pas dire les priver de tous droits et de toute vie sociale. Trop de personnes âgées sont décédées et se dégradent encore actuellement dans un abandon motivé par des motifs sanitaires non justifiés. Trop de familles souffrent de ne pouvoir leur apporter l'affection indispensable à leur bonheur et à leur santé » martèlent les auteurs.

Quand l’infantilisation prend le pas sur la pédagogie et la responsabilisation

Si cette stratégie décisionnaire qui semble dictée par l’inquiétude est rejetée par ces personnalités (et par d’autres) c’est d’abord parce qu’elle se traduit par l’infantilisation et l’autoritarisme, au détriment de la confiance et de la pédagogie. Sans doute, infantilisation et autoritarisme sont facilitées quand des fondements scientifiques rationnels peuvent être invoqués. Or ces derniers font parfois défauts : « de même que l'imposition du port du masque dans la rue, y compris dans les régions où le virus ne circule pas, l'efficacité du confinement n'est pas démontrée scientifiquement » rappellent les auteurs. Or, le défaut de preuve scientifique contraint le recours à l’infantilisation. Mais au-delà, la peur des décideurs rejaillit sur les populations, qui acceptent dès lors la protection toute puissante, sans plus vouloir discuter le caractère potentiellement illogique de certains ordres. « La peur du Covid-19 nous ravale au rang de mineurs placés sous la tutelle de l’État », résume le journaliste et essayiste Thierry Wolton dans le Figaro. « Ces réactions d’ordre partent d’une bonne intention, n’en doutons pas, dans l’espoir de juguler la pandémie. Il n’empêche, l’infantilisation - obéir et se taire - à laquelle tous ceux qui ont une once de pouvoir réduisent le reste des citoyens peut irriter à la longue » développe-t-il. « Tout cela n’est pas sans danger pour la santé démocratique de ce pays quand tant de questions se posent qui mériteraient débat: volatilité putative du virus dans l’air ; efficacité d’un masque sans cesse tripoté pour l’ajuster, mis et retiré avec des mains pas toujours propres ; rapport entre le regain annoncé de la pandémie et l’usage - enfin - des tests de détection ; la question de l’immunité naturelle sans doute plus importante que celle initialement annoncée par ignorance ; la mutation du virus, devenu semble-t-il moins virulent ; la pyramide des risques qui s’est inversée en fonction des âges, des plus âgés aux jeunes. Tout cela est évoqué bien sûr, mais on s’en remet à chaque fois à la « sagesse » de ceux qui savent et décident, sans discussion, selon le processus d’infantilisation imposé dès le départ. La majorité de la population accepte ce sort si l’on en croit les sondages, en raison sans doute d’une peur légitime de la contamination. Il n’empêche, il y a dans ce conformisme volontaire, comme on parle de servitude volontaire, quelque chose d’inquiétant pour la respiration démocratique de ce pays » poursuit-il encore. De leurs côtés, les auteurs de la tribune publiée dans le Parisien insistent : « Il ne faut pas confondre la responsabilisation éclairée avec la culpabilisation moralisatrice, ni l'éducation citoyenne avec l'infantilisation ».

La peur, ciment de la division

L’évocation des risques que fait peser sur la démocratie la voie jusqu’alors choisie par les décideurs face à l’épidémie n’est pour la plupart des observateurs nullement un procès d’intention vis-à-vis de nos gouvernants. Elle est bien plus certainement une mise en garde. En effet, la place accordée à la peur, la reconnaissance que celle-ci peut légitimement guider l’action publique, d’une part alimente les thèses complotistes (défendues par ceux qui ne veulent croire que seule la crainte est en cause dans les dérèglements constatés) et d’autre part favorise les extrémismes. « La majorité de nos concitoyens ne fait plus confiance aux discours officiels, les complotismes en tous genres foisonnent sur les réseaux sociaux et les extrémismes en profitent » écrivent Jean-François Toussaint et ses confrères.

De son côté, dans un texte publié sur le site The Conversation, la sociologue Elsa Gisquet (centre de Sociologie des Organisations [CSO], Sciences Po) analyse bien comment les discours et politiques anxiogènes qui ont déferlé sur la France encouragent le rejet de l’autre et la division. « L’obligation du port du masque, outre les contrôles de police, aurait en effet le pouvoir dissuasif de renoncer à s’aventurer en dehors des territoires familiers. Dans le sillage de cette France qui s’est vue divisée, morcelée pendant le déconfinement, le rejet de l’autre parait presque décomplexé. S’il est impossible de désinfecter ces corps et leurs miasmes qui se propageraient, semble-t-il, par voie aérienne, il convient de les masquer, mais aussi de les tenir à distance. C’est alors son propre espace territorial sanitaire, puis par extension et confusion, son propre espace social que l’on protège » relève-t-elle. Notant comment par exemple s’est imposé un discours tendant à dénoncer les comportements des jeunes, elle conclut : « Des frontières sanitaires, sociales, mais aussi communautaires s’érigent localement sur le territoire national. Il convient de s’interroger sur cet amalgame idéologique entre catégories à risque du point de vue sanitaire et classes dangereuses, sans quoi ces mesures discrétionnaires pourraient être le prélude à une normalisation du rejet de l’autre ». « Aujourd'hui comme hier, cette crise doit nous unir et nous responsabiliser, pas nous diviser ni nous soumettre » implorent les auteurs de la tribune du Parisien.

L’impudence de seulement aimer la vie

Les fragmentations de la société française qu’encouragerait la crise sanitaire, démocratique et philosophie actuelle rappellent aux philosophes André Comte-Sponville ou Bernard Henri-Levy d’autres séparations, ancestrales, entre ceux qui chérissent la vie et ceux qui ont peur de la mort, voire entre ceux qui aiment la vie et ceux qui sont fascinés par la mort. « Nous avons une médecine qui, en un mot, quand elle fait son métier qui n’est pas d’aller se chamailler sur les plateaux télé mais de soigner, a bien assez de ressource, en Europe, pour traiter un mal où quelques-uns mourront sans aller dire à tous: "Vous n’avez pas honte d’être insouciants? Pas honte d’être, à votre insu, les acteurs tragiques du destin? Ne vous sentez-vous pas coupables d’être, à votre corps défendant, les agents de la mort en ce monde?" Car c’est peut-être de cela, à la fin des fins, qu’il s’agit. Il y a une lutte séculaire, en Occident, entre les amoureux de la vie et les amoureux de la mort. Il y a, au cœur de toutes les sagesses grecques, juives, chrétiennes, musulmanes ou athées, une ligne de partage qui sépare les biophobes des biophiles. Et il suffit de penser à notre XVIIesiècle, il suffit de relire les Messieurs de Port-Royal avec leur jansénisme si coupable, si culpabilisant, si pénitent, et il suffit de se rappeler, face à eux, les "libertinistes" joyeux, vivants et libres pour savoir que cette querelle divise, plus qu’aucune autre, l’esprit français. Eh bien, je vois Paris bâillonné par ce chiffon bleu aseptisé ; je pense à cette esthétique de bloc opératoire qui imprime partout son style ; j’entends, alors que l’épidémie semble sous contrôle et que nous sommes loin, grâce au ciel, des scènes infernales des débuts, avec leurs hôpitaux débordés, leurs soignants exténués et les vieillards abandonnés à leur malchance d’être vieux, les maîtres de l’Opinion rendre coupables les jeunes gens de n’être pas plus mal en point, les guéris de n’avoir pas rechuté et les citoyens infantilisés de se relâcher ; et je ne peux m’empêcher de penser que, derrière l’impatience des chiffres matraqués comme des mantras, il y a quelque chose de cette querelle qui est en train de se rejouer. Tapie derrière la peur et la panique, une pulsion de mort voudrait condamner les humains à une vie de zombies, gagnés par le sacrifice de cette ouverture confiante à l’autre qui est le fondement même de la socialité » conclut-il dans un texte récemment publié dans le Figaro.

Une fois encore, ces commentaires sur la crise que nous vivons, qui nous l’avons déjà souligné est loin d’être uniquement sanitaire, rappellent combien nous rejouons probablement des combats ancestraux, qu’ils soient politiques ou philosophiques. Cette récurrence ne doit pas empêcher le sursaut et probablement une certaine forme de réflexion que l’on alimentera en relisant :
 
La tribune de Jean-François Toussaint et de trente-cinq autre scientifiques, médecins et chercheurs : https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-nous-ne-voulons-plus-etre-gouvernes-par-la-peur-la-tribune-de-chercheurs-et-de-medecins-10-09-2020-8382387.php
Le texte d’Elsa Gisquet : https://theconversation.com/covid-19-quand-la-prevention-mene-au-rejet-de-lautre-145119
Celui de Thierry Wolton : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/la-peur-du-covid-19-nous-ravale-au-rangde-mineurs-places-sous-la-tutelle-de-l-etat-20200903
Et de Bernard-Henri Lévy : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/bernard-henri-levy-la-grande-peur-des-bien-portants-20200830

Aurélie Haroche

source © http://www.jim.fr

  29/08/2020 : COVID-19 : point sur la thérapeutique par Stephanie Lavaud ( Medscape)


COVID-19 : point sur la thérapeutique

Stéphanie Lavaud

 

6 août 2020

France – Six mois après le début de la pandémie, et moults débats, controverses – et même guerre des clans – autour des médicaments susceptibles d’être efficaces contre la Covid-19, quelles sont les thérapeutiques utilisées actuellement en ambulatoire et à l’hôpital aux différents stades de la pathologie, ou tout du moins reconnues officiellement ? Dans son avis du 27 juillet, le Conseil scientifique mis en place dans le contexte de la crise COVID-19 fait le point* [1].

 

Hydroxychloroquine, remdésivir, tocilizumab, oxygénothérapie…Quatre mois après le pic de la pandémie en France, malgré une intense recherche clinique et alors que la pandémie se poursuit dans le monde, « nous n’avons pas de médicament avec une activité virale directe ayant fait la preuve scientifique de son efficacité » considère le Conseil scientifique, un point « particulièrement important dans l’hypothèse d’une deuxième vague pour organiser au mieux la prise en charge des populations ayant une forme sévère et réduire ainsi la durée d’occupation des lits en réanimation et la mortalité globale » ajoute-t-il.

 

*A noter que les membres du Conseil scientifique ayant des liens d’intérêts avec les industries pharmaceutiques ont été mis en débord.

Quid de la prise en charge des formes bénignes ?

Que propose-t-on aux patients qui souffrent d'une maladie bénigne (plus 95% des patients atteints de COVID-19) et ne justifient pas de soins à l’hôpital ? Aujourd’hui, le standard international repose sur « une prise en charge symptomatique, une information précise sur les signes devant amener à consulter en urgence et un suivi médical afin de détecter des symptômes qui nécessiteraient une hospitalisation ».

 
 

Pour certains patients cependant, notamment ceux à haut risque de forme sévère (âge avancé, maladies chroniques sévères comme insuffisance rénale chronique sévère, insuffisance respiratoire chronique, insuffisance cardiaque, etc.), « une hospitalisation se discute au cas par cas pour surveillance rapprochée ».

Selon le Pr Jean-François Delfraissy et ses collègues : en dépit d’essais cliniques testant des traitements visant à éviter l’aggravation, « aucune molécule n’a montré la moindre preuve d’efficacité à ce stade », il s’agit en effet de patients « pour lesquels le bénéfice attendu d’un traitement est faible (évolution spontanément favorable dans > 95% des cas) ».

Quid des formes sévères ?

Les formes sévères (moins de 5% des patients infectés par le virus SARS-CoV-2) bénéficient, elles, d’une prise en charge hospitalière en service conventionnel. Ces patients nécessitent un support en oxygène et parfois un support ventilatoire.

 

Fait important, comme plusieurs études, notamment françaises, l’ont montré : il semble aujourd’hui important « de retarder au maximum l’utilisation de la ventilation mécanique invasive (intubation) chez ces patients ». En revanche, la surveillance doit être rapprochée afin d’adapter le support en oxygène et ventilatoire aux besoins qui, comme en ont témoigné les hospitaliers, peuvent évoluer très rapidement.

 

Parmi les éléments qui ont montré scientifiquement une efficacité dans la prise en charge de ces patients, le Conseil scientifique cite :

 

- L’utilisation de corticoïdes (dexaméthasone), traitement anti-inflammatoire qui permet de diminuer la mortalité chez les patients nécessitant un support en oxygène selon l’essai clinique randomisé contrôlé Recovery , et dont l’intérêt semble faire l’unamité.

 

- L’utilisation de tocilizumab (traitement anti récepteur de l’interleukine-6) « qui semblerait efficace chez les patients nécessitant plus de 3 litres/minute d’oxygène dans l’essai français CORIMUNO en cours de publication même si ces résultats doivent être confirmés par des études de plus grande taille. La place exacte de ce traitement et son association ou non avec les corticoïdes reste à déterminer » écrit le Conseil scientifique. La molécule avait suscité un emballement médiatique, suite à la publication prématurée des résultats de plusieurs études françaises, et à une publication annoncée comme imminente, mais toujours attendue à ce jour.

 

- Une anticoagulation par héparine qui permet de diminuer le risque de thrombose et d’embolie (standard de soins pour les maladies inflammatoires sévères similaires). Celle-ci semble admise par tous.

 

En ce qui concerne le traitement antiviral :

 

- Remdesivir : « il semble accélérer le temps de récupération mais il n’a à ce jour pas montré d’impact sur mortalité chez les patients traités par rapport aux patients non traités par remdesivir (essai randomisé contrôlé avec 1063 patients). Ce traitement est toujours en évaluation dans des essais cliniques malgré une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) conditionnelle de l’European Medicines Agency (EMA) (essai Solidarity/Discovery) » indique le comité d’experts. Signalons l’existence attestée par plusieurs équipes d’effets indésirables hépatiques et rénaux qui incite à la prudence.

 

Quid des formes critiques ?

La prise en charge en réanimation des patients présentant des formes critiques de la maladie (environ 15 à 25% des patients COVID-19 hospitalisés) nécessite le recours à une ventilation mécanique invasive (intubation), voire à une oxygénation extra-corporelle dans les formes les plus sévères.

 

« La gestion du mode de ventilation et des différentes techniques associées est particulièrement importante chez ces patients ».

 

Parmi les éléments essentiels de la prise en charge de ces patients extrêmement sévères, le Conseil signale :

 

- L’utilisation des corticoïdes (dexaméthasone) qui avait déjà été encouragée par un essai clinique randomisé dans les pneumopathies très sévères (hors COVID publié en février 2020) montrant une diminution de la durée d’intubation et de la mortalité. Ceci a été confirmé pour les pneumopathies sévères COVID-19 dans l’essai Recovery.

 

- Une anticoagulation par héparine qui permet de diminuer le risque de thrombose et d’embolie (standard de soins pour les maladies inflammatoires sévères similaires).

 

- Le traitement antiviral par remdesivir est toujours en évaluation dans cette population dans les essais clinique malgré une AMM conditionnel de l’EMA (essai Solidarity/Discovery) (voir plus haut).

 

Quels traitements sont actuellement écartés ?

Pour le Conseil scientifique, si « la recherche clinique a permis d’apporter des réponses thérapeutiques à différents stades de la maladie, elle a également permis d’écarter un certain nombre de molécules », dont l’hydroxychloroquine.

 

- Hydroxychloroquine : « Après les observations initiales de cohortes non randomisées suggérant une efficacité de l’hydroxychloroquine, seule ou en association, l’immense majorité des essais randomisés réalisés en France, eu Europe, aux Etats-Unis, au Brésil ou dans l’essai OMS, n’a pas retrouvé cet effet » écrit le Conseil scientifique. En prophylaxie (après exposition à risque au SARS-CoV-2), un essai randomisé contrôlé réalisé au Canada et aux États-Unis chez 821 patients n’a trouvé aucun effet de l’hydroxychloroquine. Par ailleurs, les auteurs ont noté des effets indésirables plus importants chez les patients ayant reçu avec l’hydroxychloroquine que chez ceux recevant un placebo (40% chez les patients recevant ce traitement contre 17% pour les patients recevant le placebo). Notons que cet essai qui n’avait pas manqué d’être critiqué sur le plan méthodologique.

 

« Un autre essai randomisé contrôlé réalisé à Barcelone semble aller dans le même sens : il n’a trouvé aucun effet de l’hydroxychloroquine en prévention sur un total de plus de 2 300 patients (résultats communiqués par voie de presse, en attente de publication) », écrit le comité d’experts. Chez des patients hospitalisés, avec des formes modérées, un essai randomisé réalisé au Brésil et récemment publié dans le NEJM n’a montré aucun effet de l’hydroxychloroquine ou de l’hydroxychloroquine + azithromycine. Chez des patients hospitalisés, avec des formes sévères ou critiques de la maladie, 3 essais randomisés contrôlés de grande taille ont communiqué des résultats ne montrant aucune efficacité de l’hydroxychloroquine : ce sont les essais DisCoVeRy en France, Solidarity (essai international de l’OMS) et Recovery au Royaume-Uni, ajoute-t-il. Néanmoins, à ce jour, aucun de ces trois essais n’a été publié dans sa totalité.

 

- Lopinavir/ritonavir : Chez des patients hospitalisés avec une forme sévère ou critique de la maladie, 4 essais randomisés contrôlés n’ont pas retrouvé d’efficacité de l’administration lopinavir/ritonavir : l’essai DisCoVeRy en France qui a arrêté ce bras thérapeutique, l’essai Solidarity de l’OMS, l’essai Recovery du Royaume-Uni et un essai conduit en Chine. L’essai DisCoVeRy en France a par ailleurs permis de montrer un signal de toxicité avec des insuffisances rénales aiguës qui seraient plus fréquentes chez les patients traités par lopinavir/ritonavir que dans le groupe standard de soins.

 

-Sarilumab : Cette molécule anti-inflammatoire qui bloque l’action des récepteurs de l’interleukine 6 a été évaluée dans un essai clinique industriel (Sanofi/Regeneron) aux États-Unis. Dans un communiqué de presse, les firmes ont annoncé l’arrêt de l’essai du fait de l’absence d’efficacité du médicament retrouvée et d’effets indésirables sévères plus fréquents chez les patients traités par sarilumab.

 

Le Conseil scientifique apporte deux précisions à ce chapitre sur la thérapeutique.

  1. Il précise « qu’on manque de données sur la tolérance et l’efficacité (ou la non efficacité) des traitements déjà cités, utilisés de façon prophylactique/préventive sur des sujets et population à risque » et que plusieurs essais sont en cours.

  2. En prévision d’une éventuelle seconde vague, il recommande fortement aux équipes de recherche clinique et translationnelle d’anticiper de futurs essais thérapeutiques en mettant en place « le plus tôt possible les protocoles thérapeutiques avec de nouvelles molécules et éventuellement des associations de molécules avec un petit nombre d’essais thérapeutiques stratégiques pour les formes modérées ambulatoires mais aussi sévères et graves » précise le Conseil. « Préparés et discutés en septembre, ils seront opérationnels en novembre », date qui semble prévaloir pour une potentielle reprise intensive de l’épidémie.

 

 

 
 

Références

  1. Avis n°8 du Conseil scientifique COVID-19. Se préparer maintenant pour anticiper un retour du virus à l’automne. 27 juillet 2020

 

  12/05/2020 : Pour SPF, le port du masque ne doit pas faire négliger les autres gestes barrières


Paris, le mardi 12 mai 2020 – Les contre-vérités sur les masques, les dissimulations concernant l’état du stock national, les atermoiements multiples des pouvoirs publics demeureront comme le symbole des erreurs et même des fautes du gouvernement dans sa gestion de l’épidémie actuelle. Cependant, s’il est impossible de dénier que la communication du gouvernement, clamant l’inutilité des masques ou fustigeant leur recours par la population, a été très certainement inspirée par la situation de pénurie et par l’impréparation qu’il tentait de continuer à cacher aux Français, il convient également de rappeler que les données scientifiques (contrairement aux données empiriques) sur les masques demeurent marquées par l’incertitude.

Que certains membres du gouvernement aient vu dans ces résultats contradictoires et peu significatifs une aubaine pour nourrir leur discours ou que quelques autres aient sincèrement voulu exposer la complexité de l’état des lieux scientifiques, ces limites existent.

Exercice subtil, voire dangereux

Elles sont rappelées (certains y liront un certain courage d’autres au contraire un manque de lucidité face à la nécessité d’un message clair et univoque dans la période actuelle) par une synthèse publiée la semaine dernière par Santé Publique France. La rédaction de ce texte est un exercice très subtil et on le sent très délicat pour à la fois signaler les limites des données scientifiques et en même temps éviter que cette présentation ne puisse à aucun moment être interprétée comme un message voulant minimiser l’intérêt potentiel du masque et surtout décourager les bonnes volontés.

Une habitude adoptée

Aujourd’hui, le port du masque est de plus en plus largement adopté par la population générale comme en témoigne une enquête menée par BVA pour SPF : « la proportion de personnes en France qui portent un masque dans l’espace public est passée de 25 % à 58 % entre le 23-25 mars et le 20-22 avril. La proportion de Français qui en portent systématiquement est passée de 15 % le 30 mars-1 er avril à 28 % le 20-22 avril ». Cette évolution apparaît comme un enseignement encourageant sur la prise de conscience des Français non seulement des risques liés à l’épidémie mais également d’une action et d’une responsabilisation possibles.

Pour éviter un recul, un relâchement, fallait-il se risquer à un louable exercice de transparence ? SPF, optimiste, a semblé considérer que la responsabilisation et la prise de conscience ne seraient pas affaiblies (et pouvaient même être renforcées parce qu’éclairées ?) par une information objective. Ainsi, dans cette synthèse, dont elle rappelle qu’elle a été établie rapidement et qu’elle peut être soumise à des évolutions liées à la publication de nouvelles données, l’agence relève que « Le port systématique de masques dans l’espace public pour réduire la transmission du virus SARSCoV-2 est discuté. Des études montrent une réduction modérée cependant non significative des infections respiratoires par le port de masque en communauté ». Plus loin elle détaille : « Une revue de la littérature récente de Brainard et coll. qui a porté sur des études observationnelles et interventionnelles, montre un effet modéré mais non significatif du port de masque en communauté sur la réduction des infections respiratoires. Cependant les auteurs concluent "qu’il n’y a pas assez d’évidence pour recommander un usage généralisé des masques comme mesure de protection contre le COVID-19". La revue de littérature de Jefferson et col. [16], mise à jour d’une revue Cochrane d’études menées durant l’épidémie de SRAS en 2003, qui porte uniquement sur des essais randomisés évaluant le port du masque seul, a montré l’absence de réduction significative des infections respiratoires (syndromes grippaux ou infections respiratoires confirmées par le laboratoire). Les auteurs ont conclu à l’absence de résultats en faveur du port du masque seul, sans autres mesures barrières. Cependant, dans leur discussion, les auteurs rappellent que les résultats d’études cas-témoins réalisées pendant l’épidémie de SRAS 2003 montraient un effet protecteur du port du masque chirurgical et des mesures d’hygiène, en comparaison à l’absence de port de masques. En revanche, les preuves manquent pour montrer l’intérêt de l’utilisation de masques chirurgicaux pour la protection des personnes potentiellement exposées dans l’espace public. L’absence d’estimation de l’efficacité épidémiologique de l’utilisation du masque en communauté rend très délicate l’interprétation des modèles mathématiques ayant intégré ce paramètre dans leur évaluation ».

La bonne utilisation, la généralisation et le respect des autres mesures barrières : des réflexes sans doute déterminants

En dépit de ces limites, qui existent plus encore concernant les masques alternatifs, Santé Publique France insiste : « Cependant, compte tenu du rôle possible des infections présymptomatiques ou asymptomatiques dans la transmission du SARS-CoV-2, le port systématique d’un masque dans les espaces publics pourrait contribuer à réduire la transmission dans la communauté. Quelques données de la littérature indiquent que les masques « alternatifs », à condition de répondre aux consignes de fabrication et de matériel utilisé et de respecter les mesures barrières, peuvent aider à réduire la transmission dans la population ». Dans sa « discussion », l’agence note encore qu’une efficacité accrue pourrait être liée à une plus forte généralisation et repose également sur une bonne utilisation des dispositifs. « Certains experts (…) recommandent un large usage populationnel du masque, comme cela a été fait à Hong Kong et en Corée du Sud, pays qui n’ont pas eu recours au confinement généralisé, même s’ils admettent qu’il n’est pas possible de connaître la contribution de cette mesure dans la réduction de la transmission. Ils indiquent que cette mesure pourrait relever du paradoxe de la prévention, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une mesure qui a un bénéfice collectif si elle est appliquée largement alors que la mesure ne profite que peu à chaque (…). Les études sur le terrain montrent que la compliance et la bonne utilisation sont des facteurs déterminants de l’efficacité des masques » relève ainsi l’agence. Surtout, SPF rappelle que pour optimiser l’efficacité du port du masque, il doit impérativement demeurer associé aux autres mesures barrières : distanciation sociale et lavage des mains.

Ainsi, fidèle à sa politique, Santé Publique France a fait le choix d’exposer les faits scientifiques qui devraient guider le pouvoir mais refuse de répondre à la question de l’obligation généralisée, préconisée par de nombreuses instances, mais face à laquelle les décideurs hésitent et qui est d’abord un choix politique. 
 
 

Aurélie Haroche

source www.jim.fr

  12/05/2020 : Les masques de la colère


Quiconque aujourd'hui se risque à donner son avis sur l' « affaire des masques » et l'attitude de l'Ordre et des syndicats s'expose en cible découverte.

 
Cette sordide histoire a réussi à semer une discorde vraiment non nécessaire. Depuis le début de la crise du Covid, la profession est irréprochable, exemplaire.
Pourrait-on, en étant un peu paranoïaque, imaginer qu'un Tullius Detritus (cf « La zizanie » d'Asterix) se serait immiscé dans notre belle unisson, envoyé par César lui-même ?
 
Non, bien-sûr que non...
 
En revanche, que l'on soit en situation délicate doit en satisfaire plus d'un et on leur dit Bercy beaucoup !
 
Allez, un petit rappel pour ceux qui entre 2 coups de téléphone pour savoir s'ils ont des masques n'ont pas pu suivre :
Les masques chirurgicaux sont réservés aux soignants et aux patients Covid + ou très fragiles.
Les soignants n'en ont toujours pas assez et ceci depuis le début.
Voilà les postulats de départ.
Mi-mars : de nombreuses sociétés françaises dont l'activité est indispensable sonnent le signal d'alarme : « nous n'avons plus de masques pour équiper nos salariés, laissez-nous en importer sans les réquisitionner ». Un décret autorisant l'importation sans la réquisition de l'État est signé très rapidement. Il aurait dû être suivi d'un second interdisant la vente au public, mais voilà, Tullius Detritus a dû commencer son sale job à ce moment-là...
Notre ami Leclerc claironne à tue-tête que ses petits amis et lui vont vendre 400 millions de masques chirurgicaux. 400 millions. On en manque depuis des semaines. La profession se rebelle, des confrères demandent à avoir le droit d'en vendre aussi pour ne pas être pénalisés mais le Ministre de la Santé rappelle dans tous ses discours que les masques chirurgicaux sont pour les soignants que l'on applaudit tous les soirs.
Déjà à ce moment-là, deux clans distincts commençaient à émerger : les « je veux vendre des masques » et les « je ne veux pas vendre de masques ».
 
Mais on n'était pas encore au bout de la discorde...
 
Pour l'Ordre la question ne se posait tout simplement pas. Et si au sens strict du décret nous pouvions vendre des masques chirurgicaux, déontologiquement, moralement, cela nous était interdit. L'Ordre a fait le choix de la morale, le choix de l'effort de guerre, ou tout doit être mis en œuvre pour fournir ceux qui sont en première ligne. Doctrine souhaitée par notre ministre de tutelle et suivie par nos syndicats.
 
Et là se sont distingués 4 groupes !
Les « je veux vendre des masques et l'Ordre nous a trahis »
Les « je ne voulais pas vendre des masques mais je considère que l'Ordre nous a menti »
Les « je voulais vendre des masques mais je comprends que l'Ordre l'ait interdit » (si, si, ce groupe existe !)
Et les « je ne voulais pas vendre de masques et l'Ordre nous a protégés des appétits mercantiles de certains ».
 
Mon groupe ? Le dernier. Ok sur la forme notre présidente aurait dû dire que ce n'était pas interdit en droit mais interdit par le ministre de la santé ; c'eut peut-être été plus facile à entendre pour certains.
 
Souvenez-vous de la lettre des présidents des conseils ordinaux des médecins, pharmaciens, infirmiers, sage-femmes, pédicures podologues et masseurs kinésithérapeutes (le président des dentistes s'est désengagé ensuite), il y avait dans sa rédaction cette phrase terrible « toute guerre a ses profiteurs », les profiteurs étant les acteurs de la grande distribution.
 
L'Ordre a fait en sorte que nous ne soyons pas inclus dans ces profiteurs.
 
Je comprends chaque groupe. Ils ont tous raison d'une certaine façon. Mais moi j'aurais ENCORE plus mal dormi si l'on était passé pour des profiteurs après 2 mois de service irréprochable.
 
Et Tullius Detritus a échoué, soyez-en certains
 
Delphine Chadoutaud, pharmacien titulaire à Orsay (91) 
 
source celtipharm

  24/10/2018 : Champignons: les cueillir et les consommer en toute sécurité